16 octobre - 18 décembre 2021
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Paris

76 rue de Turenne

75003 Paris


La galerie Perrotin présente une exposition consacrée à Emily Mae Smith pour la première fois à Paris. Intitulée Harvesters, l'exposition présente de nouvelles peintures et de nouveaux dessins par l'artiste américaine.

Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.
Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.
Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.
Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.
Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.
Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.
Vue de l’exposition ‘Harversters’ d’Emily Mae Smith à la galerie Perrotin, 2021. © Photo: Claire Dorn / Courtesy of the artist and Perrotin.

Je pense beaucoup au rapport pictorial que la peinture entretient avec le travail. Pour moi, cela a pour conséquence de regarder beaucoup de peintures qui montrent des femmes soit comme des paysannes au travail, soit comme des mythes oisifs. Le tableau de Jean-François Millet Les glaneuses de 1857 en est un exemple.

— Emily Mae Smith pour Whitewall

Voilà quelques années, Emily Mae Smith a élu comme son favori un sujet aussi inépuisable qu’inattendu : un simple balai de paille, qui a cette double caractéristique d’être animé et féminisé (l’artiste utilise le pronom « she »).

Dans l’exposition Harvesters (« les moissonneurs »), on la retrouve donc délestée des lunettes rondes dont l’artiste l’avait si fréquemment affublée jusqu’ici, et au choix : grimée en un cierge érudit, se consumant à la lecture d’un grimoire (The Alchemist), alanguie dans un champ de blé (Harvester), se repaissant, ou plutôt tentant de, dans un intérieur flamand (The wooden spoon), debout dans une humide grotte, un pinceau à la main gauche (The Grotto), dans la rue, porteuse d’un message (The Messenger), dissimulée derrière un mur de feuilles de ginkgo biloba (Blush). Fière, ou accablée. Eplorée, ou concentrée à la tâche. Et même crucifiée.

Il ne faut pourtant pas envisager cette omniprésente figure comme un personnage, qui changerait de costume ou de décor pour revenir se pavaner devant nos yeux d’une saison à l’autre. Car les ressorts de la peinture d’Emily Mae Smith ne sont pas narratifs, mais symboliques. Le mode de fonctionnement de ses images est ainsi à chercher du côté de la mythologie, de la nature morte, ou encore de ces belles allégories si courantes chez les maîtres de la Belle Epoque. Et à l’inverse du mes- sage narquois de Baldessari en 1968 ( « aucune idée n’a pénétré cette œuvre » clame alors une de ses peintures), les images de l’Américaine sont tout chargées d’idées, de valeurs et de symboles.

© Photo: Guillaume Ziccarelli / Courtesy of the artist and Perrotin.

Analogon parfait du pinceau, le balai est, enfin, ce glâneur, ou plutôt cette glâneuse qui ramasse les miettes encore disponibles d’une histoire de l’art largement dominée par les hommes, pour tenter d’en faire quelque chose de nouveau : une figure cartoonesque du postmodernisme tardif. Ainsi la peinture plate pop, la peinture flamande (dont un hommage appuyé à Brueghel l’Ancien et un autre aux cabinets d’amateur), et la tra- dition symboliste font-elles des incursions dans le corpus de l’exposition. The Grotto, par exemple, est une reprise de La Vérité de Jules-Joseph Lefebvre (1870), lui-même une cover de La Source d’Ingres (1856). « Les peintres peignent toujours d’après d’autres peintres. Ces dernières années, tandis que ma pratique évoluait, j’ai commencé à me demander si l’objet de mon travail, ce n’était pas tout simplement la peinture» explique l’artiste, qui renverse ici méthodiquement l’ordre symbolique, dans une peinture aux accents marxistes autant que féministes. L’humour remplace l’esprit de sérieux. Le repos et la retraite sont figurés plutôt que le labeur et les rapports de pouvoir liés au travail sont rendus visibles. L’ordre patriarcal du regard est inversé (« she gazes back » explique l’artiste dans une formule intraduisible à propos du globe oculaire de l’alchimiste). Et un simple outil destiné aux basses besognes du nettoyage, dressé au milieu d’une caverne aux iris, devient une glorieuse allégorie féminisée de la création. Dans une même logique, l’artiste réinvestit posi- tivement la figure du rat, cet intrus et nuisible (l’anglais dit « pest », une insulte attribuée communément aux femmes) occupant une place de choix dans deux des peintures les plus séduisantes de l’exposition, qui aurait aussi bien pu s’intituler « la condition contemporaine de la femme peintre face à une histoire de l’art agressivement masculine ».

Cette exposition n'utilise pas beaucoup le motif du visage. Néanmoins, on trouve une imagerie de l’oeil libéré du corps. Dans une des peintures, un globe oculaire occupe la place d'un globe terrestre. L'œil est un chercheur errant et indépendant. Il y a une tension entre être regardé et regarder.

— Emily Mae Smith pour Whitewall

Qu’un simple balai puisse synthétiser autant de questions picturales et politiques a quelque chose de magique. Et on se prend à chercher des artistes qui auraient investi avec un tel acharnement un motif aussi inattendu.

– Texte de Jill Gasparina

Emily Mae SMITH

Née en 1979 à Austin, Texas, USA
Habite et travaille à Brooklyn, New York, USA

Emily Mae Smith crée des compositions vivantes dans lesquelles elle dissimule des commentaires sociaux et politiques. L’iconographie récurrente de la peintre est un manche à balai, dérivé de celui que l’on retrouve dans le Fantasia de Disney (1940). En clin d’œil au Symbolisme, au Surréalisme et au Pop Art, il devient alors son avatar, se référant simultanément au pinceau du peintre, à l’outil domestique associé aux femmes, et au phallus. À travers l’œuvre de Smith, la figure se transforme continuellement, évoquant des sujets contemporains tels que le genre, la sexualité, le capitalisme et la violence.


Le travail de l’artiste a fait l’objet d’expositions personnelles au Consortium, à Dijon et au Wadsworth Atheneum Museum of Art, à Hartford, Connecticut.



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