Vue de l'exposition de claude rutault 'ici mieux qu'en face' à Perrotin Matignon, 2023. Photo : Tanguy Beurdeley. Courtesy of the artist and Perrotin
21 avril - 20 mai 2023
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PARIS

2bis avenue Matignon 75008 Paris

La galerie Perrotin présente au 2bis avenue Matignon une exposition dédiée à Claude Rutault, disparu en 2022. L'exposition propose à voir les actualisations de six dé-finitions/méthodes (ou dm) parcourant le jeu des protocoles établis par l’artiste, de la première dm (toile à l'unité) à la dernière œuvre (AMZ).

Vue de l'exposition de claude rutault 'ici mieux qu'en face' à Perrotin Matignon, 2023. Photo : Tanguy Beurdeley. Courtesy of the artist and Perrotin
Vue de l'exposition de claude rutault 'ici mieux qu'en face' à Perrotin Matignon, 2023. Photo : Tanguy Beurdeley. Courtesy of the artist and Perrotin

À l’entrée, imprimé sur la vitrine de la galerie l’écriteau A VENDRE A PEINDRE se joue des codes du commerce appliqués par l’artiste au monde de l’art avec humour et causticité, prolongeant ainsi le titre de l’exposition en forme de clin d’oeil à une plaisanterie commune dans la famille de l’artiste: ici mieux qu’en face. Cette expression semblait à Claude Rutault le parfait argument pour vendre tout type d’objets.


Dans la galerie, le dyptique peint ou repeint de la couleur du mur (la dm 1 peinture à l’unité (2013) explicite le vocabulaire de l’artiste, développé ensuite dans les alignements horizontaux et verticaux de toiles de dépendance et indépendance limite 3 (1974). Une colonne architecturale composée d’une pile de toiles - nicolas ledoux memoire (2012) et l’amusante évocation d’un duo de danse de paso-doble (1995) jouent dans l’espace de la galerie.


Enfin les implications sociales de l’oeuvre de Rutault forment le thème du tableau triangulaire de format limite 4 (1974) à prendre en charge par 3 personnes, et sont poussées à l’extrême avec AMZ (2016), oeuvre-monde mouvante de plus de 100 participants, évoluant selon le temps et la localisation des tableaux, représentée ici avec un tableau rectangulaire dessinant une absence.


Un hommage exceptionnel est rendu à l’artiste par quatre musées prestigieux en ce moment. Le musée d’Orsay présente la porte de la peinture, œuvre inspirée de La Porte de l’Enfer d’Auguste Rodin, tandis que le musée du Louvre présente une œuvre que l’artiste avait conçue pour un portrait du Fayoum. Le musée national d’Art moderne, Centre Pompidou, expose ready to be made actualisé avec le Porte-bouteilles de Marcel Duchamp. Enfin, le musée d’art moderne de Paris se joint à cet hommage en montrant un diptyque de toiles de leur collection dans le parcours permanent.

"mes peintures ont une courte vie mais elles en ont plusieurs."

— claude rutault
Claude RUTAULT

Né en 1941 à Trois Moutiers, France

Décédé en 2022 à Boulogne-Billancourt, France

Claude Rutault se définit comme un peintre, et en effet, voir une de ses œuvres est indéniablement une rencontre avec de la peinture sur toile. Mais Rutault ne peint pas ses œuvres lui-même, et il ne participe pas non plus à la supervision de leur production au même titre qu’un producteur, un concepteur ou un dirigeant d’usine, de studio ou d’atelier. En revanche, l’essence de la pratique de Rutault réside dans l’écriture et dans un ensemble de règles, de mises en garde, d’instructions et de procédures appelées « définitions/méthodes », dans le respect desquelles une galerie, un collectionneur ou une institution — connus comme « preneurs en charge » — accepte d’ « actualiser » une œuvre donnée.


La première de ces définitions/méthodes, créée en 1973, sera le germe des centaines d’œuvres uniques qui suivront. Définition/méthode no 1 « Toile à l’unité », 1973, indique : « une toile tendue sur châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. Sont utilisables tous les formats standard disponibles dans le commerce, qu’ils soient rectangulaires, carrés, ronds ou ovales. » Avec cette recommandation initiale, assez rudimentaire, les caractéristiques typiques du travail de Rutault sont évidentes : ouvert, non achevé, participatif, contractuel et dépendant des conditions et de l’environnement dans lesquels il doit être actualisé. Les paramètres, formes, couleurs et placements de la peinture sont uniquement limités par l’ingéniosité du preneur en charge lorsque celui-ci applique les règles établies par la définition/méthode correspondante, dont les permutations et les conséquences spécifiques ne peuvent être contrôlées et qui n’auraient pas pu être entièrement prévues par Rutault. Si le preneur en charge souhaite changer la couleur de son tableau, il doit également changer la couleur du mur. Si le preneur en charge souhaite repeindre son mur, il doit repeindre la toile pour qu’elle soit de la même couleur. S’il souhaite déplacer l’œuvre, le mur, la peinture ou les deux doivent être repeints conformément à la définition/méthode. Des versions inattendues d’œuvres en découlent, et ces aléas doivent être communiqués à Rutault — à sa surprise, son amusement, sa satisfaction ou, peut-être aussi, à son déplaisir. Quoi qu’il en soit, il doit vivre indépendamment de ses tableaux pour que ces derniers poursuivent leur propre vie, et à ce stade, son rôle par rapport à l’œuvre doit être décrit, également et successivement, comme l’arbitre d’un jeu dont il a donné le signal de départ, comme un parent qui regarde son enfant couler ou nager, comme une sorte de catalogueur des changements et des conséquences de son propre labeur.



À propos de l'artiste

cette fusion prend la forme d’un diptyque composé de deux supports de mêmes dimensions, une toile et un tableau qui n’est pas obligatoirement peint sur toile, repeints de la même couleur que le mur et accrochés très proches l’un de l’autre.


proposition qui énonce d’entrée l’indifférence du support, du sujet et de l’artiste, au profit de la première réalité qui importe dans cette peinture, l’identité de couleur du mur et de la peinture et les conséquences qui en découlent

peinture de claude rutault, "théâtre vivant n°9 (julian beck dans antigone)", peinture et encre sur papier, 50 x 65 cm, 1968
après avoir été repeint de la couleur du mur
Assembled reduced canvas (M)

A est la matrice de l’œuvre, composée d’un ensemble de cent toiles brutes tendues sur châssis, de tailles différentes, rectangulaires rondes ou ovales, formats standard. ». L'ensemble A, dans la collection du Frac Pays de la Loire, est conservé à Carquefou.

La partie M est en cours de prise en charge. Prendre une toile M en charge consiste à en retenir une parmi les cent toiles de A et à l'actualiser de la meme couleur que le mur sur lequel elle est accrochée, en un format réduit et avec une grande liberté. La regle est que la surface de la toile M est réduite par rapport a sa toile A selon deux paramètres : la distance qui sépare M de A – plus on est éloigné plus la réduction est grande – et l’ordre de prise en charge – plus on entre tardivement dans le dispositif et plus le coefficient de réduction augmente.

Z, la troisième partie, n'a pas encore à ce jour été prise en charge. Elle comprend 100 papiers dont les dimensions matérialiseront la différence de surface entre chaque réplique M et son modèle A.

définition/méthode :

proposition à réaliser à nouveau dans le cadre d’une exposition collective ou personnelle comportant plusieurs oeuvres.

paso-doble tourne autour de l’affiche réalisée pour l’exposition paso doble à la fondation asher edelman à lausanne organisée par le mamco en 1994.

cette affiche montre en son centre une grande toile peinte de la même couleur que le mur. tout autour sont répartis onze couples de noms propres. à chaque fois le nom d’un artiste différent associé à celui de claude rutault, redoublant l’exposition qui consistait à confronter les dé-finitions/méthodes à des oeuvres très variées, aussi bien picturales que photographiques. le choix des artistes a été fait par christian bernard, directeur du mamco, genève.

l’oeuvre consiste à présenter l’affiche de l’exposition encadrée à un endroit non déterminé du mur, éloignée du centre.

répartis sur la totalité du mur un certain nombre de couples de petites toiles – dix-huit sur dix – vingt-deux sur douze . . . centimètres – évoquent des pas de danse. plusieurs figures et groupes sont répartis sur le mur. les toiles sont peintes de la même couleur que lui.

il est possible de remplacer les toiles par des papiers qui répondent à la règle de la dé-finition/méthode papiers, c’est-à-dire que sur un mur blanc les papiers sont de couleur, ils sont blancs si le mur ne l’est pas. possibilité de présenter plusieurs affiches et de réaliser des configurations différentes. possibilité encore de mélanger couples de toiles et couples de papiers

Vue de l'exposition de claude rutault 'ici mieux qu'en face' à Perrotin Matignon, 2023. Photo : Tanguy Beurdeley. Courtesy of the artist and Perrotin
Nicolas Ledoux, The Saline Royale, Arc-et-Senans (France), 1778

définition/méthode :

souvenir d’une visite à arc-et-senans, au retour reprise des trois volumes. l’embarras du choix. les six colonnes de la maison du directeur.

construction d’une colonne composée en alternance de toiles carrées et de toiles rondes. cette colonne sera assez haute pour ne pas être vue comme un socle et trop basse pour faire partie du bâtiment.

les proportions de cette portion de colonne seront respectées. les toiles seront peintes en blanc quelle que soit la couleur les murs.

la pile joue avec l’espace, elle doit, quel que soit le lieu, avoir cette puissance architecturale du travail de ledoux. peut-être un jour présenter aux deux extrémités d’une longue salle la colonne de ledoux d’un côté, un pilier d’un immeuble de le corbusier de l’autre.

de ledoux à le corbusier, à suivre

dé-finition/méthode :

a. support, toiles tendues sur châssis.

b. trois toiles de forme différente, rectangulaire, ronde, la dernière libre.

c. construction, chaque toile est maximum sur le mur. le diamètre d’une toile ronde est déterminé par la largeur du mur si celui est plus haut que large, par la hauteur dans le cas inverse. il en est de même pour les autres formes. le triangle prend l’un des côtés comme base et comme sommet un point quelconque sur l’un des autres côtés du mur.

d. chaque élément est peint de la même couleur que le mur sur lequel il est accroché.

e. fonctionnement social.

l’oeuvre est prise en charge par trois personnes différentes, chacune des trois formes est actualisée à tour de rôle chez les trois partenaires. la périodicité de la rotation des toiles est décidée au moment de la prise en charge.

les trois toiles forment la première oeuvre indivise

dé-finition/méthode :


toiles tendues sur châssis peintes de la même couleur que le mur sur lequel elles sont accrochées, sur deux murs.


- sur le premier mur, alignement horizontal : chaque intervalle entre les toiles égale la longueur de chaque toile.


- sur le deuxième mur, alignement vertical : chaque intervalle entre les toiles égale la hauteur de chaque toile.

Alors, hormis une anecdote familiale qui donne le titre à l’exposition on pourrait penser que la formule « Ici mieux qu’en face » est une manière d’envisager le travail de claude rutault : un aller-retour qui oblige à revenir au point de départ, mais en ayant, tout de même, pu voir ce qui se situait en face et offrir ainsi un point de vue de l’endroit d’où l’on est parti. Un mouvement pendulaire tout à la fois dans l’espace et le temps. La vie comme une réactualisation continuelle, toujours évolutive, jamais figée.

Vue de l'exposition de claude rutault 'ici mieux qu'en face' à Perrotin Matignon, 2023. Photo : Tanguy Beurdeley. Courtesy of the artist and Perrotin
À VENDRE, toile tendue sur châssis peinte par l’atelier Jean Riou et accrochée en façade, chez Jean Brolly, Paris (France), 1981
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