14 octobre - 23 décembre 2023
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Paris
76 rue de Turenne
75003 Paris France

La galerie Perrotin est heureuse de présenter Bauhaus Gal – Theatre, la première exposition personnelle de Chen Ke à Paris. À cette occasion, l’artiste présente une série de portraits de jeunes étudiantes du Bauhaus ainsi que des vues d’architectures mis en scène dans une scénographie théâtrale.

Vue de l’exposition de Chen Ke ‘Bauhaus Gal – Theatre’ à la galerie Perrotin, Paris, 2023. Photo : Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
Vue de l’exposition de Chen Ke ‘Bauhaus Gal – Theatre’ à la galerie Perrotin, Paris, 2023. Photo : Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
Vue de l’exposition de Chen Ke ‘Bauhaus Gal – Theatre’ à la galerie Perrotin, Paris, 2023. Photo : Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
Vue de l’exposition de Chen Ke ‘Bauhaus Gal – Theatre’ à la galerie Perrotin, Paris, 2023. Photo : Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin

Voilà plusieurs années que Chen Ke produit, parmi d’autres types d’oeuvres, des séries de peintures qui prennent pour point de départ des portraits photographiques. Il peut s’agir de célébrités comme Marylin Monroe ou Frida Kahlo, ou au contraire d’anonymes. C’était. le cas de la femme peintre qui inspira à Chen Ke les oeuvres de l’exposition The Anonymous Woman Artist en 2020, Helen Torr (1886–1967). Cette dernière n’exposa que très peu et contrairement à son mari, le peintre américain Arthur Dove, elle reçut un accueil critique plus que froid, bien que leurs oeuvres partagent de nombreuses similarités formelles. Torr cessa de peindre à la mort de son mari en 1946. Comme pour tant d'autres artistes femmes, son travail, longtemps sous-estimé, a été redécouvert bien après sa mort. Dans cette nouvelle exposition, l’artiste continue dans la veine de cette pratique qu’on pourrait qualifier d’appropriationniste, avec une série de portraits de jeunes étudiantes du Bauhaus (ainsi que des photos d’architecture) tirées d’un livre-source intitulé Bauhaus Mädels (Patrick Rössler éd., Taschen, 2019). Les connaisseurs identifieront peut-être sur certaines toiles les traits de l’artiste et designeuse Marianne Brandt, mais la plupart de ces figures seront probablement perçues de manière générique, comme de brillantes images de la jeunesse, du courage et de la détermination qu’ont manifesté des jeunes filles en s’engageant il y a un siècle dans une carrière qui leur était a priori hermétiquement fermée.

Portrait of Chen Ke in her studio, 2023. Courtesy of Perrotin

Le sujet de cette série est historiquement chargé. La légendaire école d’architecture et arts appliqués, fondée en 1919, fait aujourd’hui l’objets de relectures de moins en moins complaisantes, voire de plus en plus dark. Dans le même ordre d’idée, l’artiste a ainsi abandonné le premier titre auquel elle avait songé pour l’exposition, Utopia, jugé trop en décalage avec la réalité de la vie au Bauhaus, spécialement pour les femmes. Son propos n’est cependant pas de capitaliser sur l’aura historique de la célèbre institution ou à l’inverse de la déconstruire, mais d’articuler, à partir d’images existantes, l’expression de ses propres états émotionnels. Comme elle l’explique, elle a simplement été « touchée » par ces jeunes femmes, le livre agissant en quelque sorte comme un déclencheur de souvenirs, ceux de ses premiers pas d’étudiante en art, ou des difficultés traversées en tant que jeune femme artiste sur la scène artistique pékinoise du début des années 2000.

Les choix de couleurs faits par Chen Ke renforcent d’ailleurs très puissamment la dimension subjective de sa démarche d’appropriation. Les peintures sont des versions au chromatisme étrange, tantôt rêveur, tantôt sinistre, d’images originales en noir et blanc. Et l’on est pris en les regardant d’un vertige similaire à celui qui nous saisit devant ces photographies colorisées devenues virales ces dernières années, celles des Champs Elysées en 1900, de Claude Monet dans son jardin, d’une scène de la vie quotidienne dans une tranchée. Ou plus près de nous, par les séries de peintures sur photographie que l’artiste réalisait au début des années 2000. L’opération de transformation, dont on pourrait attendre un gain de réalisme, produit au contraire un effet puissant de déréalisation, tantôt onirique, tantôt inquiétant. Dans l’exposition, cette prise de distance avec le réalisme par la couleur constitue également, explique l’artiste, un écho à la période « surréaliste » de l’épidémie mondiale de Covid et à des confinements terriblement stricts.

Portrait de Chen Ke dans son atelier, 2023. Courtesy of Perrotin

Contrairement au Bauhaus, les écoles d’arts chinoises n’incluent pas dans leur cursus les pratiques non-figuratives, ou alors de manière très restreinte. Ses recherches sur Helen Torr comme sur le Bauhaus ont pourtant amené Chen Ke à s’intéresser depuis quelques années à l’abstraction. L’exposition présente ainsi un ensemble de peintures abstraites, réalisées sur des supports en aluminium plus ou moins fins. En dépit de l’écart radical qui semble séparer les deux versants de son travail pictural, très méthodique d’un côté, parfaitement « impulsif » de l’autre, ils entretiennent une forme de parenté matérielle et conceptuelle. Les petites abstractions sur métal sont en effet peintes avec la même palette de couleurs que les toiles, souvent dans la même journée, comme une suite improvisée, plus libre dans le geste. Et elles constituent elles aussi des traductions formelles et colorées des émotions de l’artiste.

View of Chen Ke’s exhibition ‘Bauhaus Gal – Theatre’ at Perrotin Paris, 2023. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin

Le dernier élément central de l’exposition est l’importance accordée par Chen Ke à la théâtralité. Thématisée dans certaines peintures qui construisent par leurs jeux d’éclairage ou leur représentation de corps une forme de frontalité spectaculaire, la théâtralité est aussi plus qu’un sujet : c’est un principe scénographique qui irrigue toute l’exposition. Dès la première salle, une oeuvre installée à la manière d’un écran, bloque une partie de la vue et programme la circulation dans l’espace. L’accrochage en ligne d’une série de portraits crée une sorte de générique de l’exposition sur le mur de la salle suivante. Plus loin, une large sculpture colorée suspendue tourne lentement sur elle-même, pour rappeler les spectateur.ice.s à leur présence physique. Tout le parcours de l’exposition est pensé avec une grande précision.

A l’appui de cette recherche sur la théâtralité, l’artiste cite le poème épique Bhagavad-Gita, l’un des textes fondateurs de l’hindouïsme. Elle évoque plus particulièrement les jeux de métamorphose auxquels se livre Krishna, qui peut revêtir une apparence humaine comme celle d’un monstre dévorant. Pour l’artiste, cette figure monstrueuse est « peut-être ce que l'on appelle le vrai visage du monde, le vrai côté caché sous les choses agréables de la vie. Cette face cachée, nous la rencontrons parfois, mais nous nous empressons de nous en éloigner ». « Le théâtre est un lieu [où] l’on peut se dépouiller de sa peau, pour se cacher ou pour montrer un autre soi, peut-être une version plus vraie de soi-même » ajoute-t-elle. Que le monde chaotique, inversé, cruel du théâtre puisse être porteur d’une vérité fait partie du principe même de l’art dramatique, dans les traditions orientales comme occidentales. Mais Chen Ke applique désormais ce principe à l’art pictural. Les images qu’elle s’approprie par la peinture sont autant de masques, et toutes ses oeuvres des auto-portraits.

Vue de l’exposition de Chen Ke ‘Bauhaus Gal – Theatre’ à la galerie Perrotin, Paris, 2023. Photo : Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
CHEN Ke

Née en 1978 à Sichuan, Chine
Habite et travaille à Beijing, Chine

Chen Ke a lancé sa carrière à Pékin après avoir obtenu un BA du département de peinture à l'huile de l'Académie des Beaux-Arts du Sichuan en 2002, ainsi qu’un MFA en 2005 de la même institution. L’artiste fait partie d’une génération qui a connu le développement rapide de la Chine. Depuis le début de sa carrière, elle entremêle culture chinoise traditionnelle et culture occidentale.


Dans les premières œuvres de Chen Ke, on voyait souvent une petite fille fragile représentée dans un environnement surréaliste, luttant contre une réalité inversée ou bien se complaisant dans la nostalgie, solitaire et innocente. Depuis 2012, Chen utilise les figures réelles issues de son travail photographique comme sujet. De Frida Kahlo à Marilyn Monroe, l’artiste exprime ses sentiments personnels, de la vie réelle, à travers son interprétation de ces personnages – elle aborde notamment la place des femmes dans la société, mais aussi l’expérience du temps et de la vie.


En 2018, Chen s’est lancée dans une nouvelle série afin d’exprimer les véritables sentiments qu’elle éprouve pour son père. Elle est parvenue dans ces toiles à rendre compte de façon plus directe de son expérience personnelle et de son appréhension de la vie. Son exposition personnelle « The Real Deal Is Talking with Dad », présentée au Yuz Museum (Shanghai, Chine), abordait les thèmes de la jeunesse, de la personnalité et de la famille, dans une série de peintures et d'installations en techniques mixtes inspirée de ses conversations quotidiennes avec son père.


En 2020, Chen a débuté sa série intitulée Bauhaus Gal. Ces portraits sont basés sur des photos d’archives du Bauhaus, empreintes de l’esprit de leur époque. Lorsqu’elle délimite les visages de ces jeunes femmes, pionnières des temps modernes, Chen préfère utiliser les conventions classiques. Immergées dans leur monde et profondément perdues dans leurs pensées, elles restent insensibles aux regards extérieurs. Au cours de leur transformation en peintures, ces images d’archives subissent des « implants physiques », afin que la peintre puisse revivre certains moments de leur vie et avoir accès à des souvenirs involontaires tels que les odeurs, la lumière et le toucher, ramenant à la vie ces silhouettes en noir et blanc appartenant à l’histoire. Sa maîtrise technique acquise au cours de nombreuses années de pratique aide l’artiste à établir un lien entre l’esprit ancien et les sentiments contemporains.


Chen Ke élabore son art selon son propre scénario, mettant la peinture au service de la génération d’expériences et de souvenirs, afin de créer une fin ouverte pour le spectateur.



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